Les Françaises et le « mommy porn » : entre fantasmes et réalité

Catégories : JEUX érotiques, idées de punitions, défis, humour et divers
il y a 11 ans

Enquête publiée à l'occasion de la publication du second tome de « Cinquante nuances de Grey »

Étude réalisée pour : Femme Actuelle

Échantillon :

Échantillon de 1 008 femmes, représentatif de la population féminine française âgée de 18 ans et plus.

La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération.

Mode de recueil : Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré on line.

En raison du caractère intime et sensible du sujet abordé, l'Ifop a fait le choix d'une méthode auto-administrée on line. En effet, ce mode de recueil offre aux répondants la possibilité de parler de soi sans risquer de se sentir jugé par un enquêteur. Garantissant un total anonymat aux personnes interrogées, cette méthode permet donc de libérer la parole des gens qui n'auraient pas souhaité aborder certains sujets devant un enquêteur ou en présence d'un proche (si l'entretien se déroulait devant un tiers).

Dates de terrain : Du 30 novembre au 3 décembre 2012

Ce document présente les résultats d'une étude réalisée par l'Ifop qui respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l'enquête par sondage.

Les principaux enseignements de l'enquête (chapitre 1–A)

Les jeux sexuels de domination et de soumission constituent des formes minoritaires de la sexualité féminine mais certaines pratiques « soft » comme la fessée font de plus en plus d'adeptes

 La tendance à l'élargissement du répertoire sexuel des Françaises se confirme avec des pratiques SM « soft » en nette progression par rapport aux années 80. Aujourd'hui, une femme sur quatre déclare avoir déjà reçu une fessée de son partenaire (24%) contre 8% en 1985.

On remarque également qu'une proportion non négligeable de femmes admet avoir déjà fait l'amour en étant dominée (35%), en ayant les yeux bandés (16%) ou en étant ligotée ou menottée (15%).

Mais au-delà de la réalité des pratiques, ces jeux sexuels sortant de l'ordinaire semblent avoir un réel potentiel fantasmatique pour la gent féminine. En effet, près d'une femme sur deux aimerait faire l'amour en étant dominée (44%) ou en en ayant les yeux bandés (40%) et plus d'une sur quatre souhaiterait recevoir un fessée (28%) ou faire l'amour en étant ligotée (28%).

A noter que le goût des femmes est aussi fort pour les jeux où elles sont dominées que pour ceux où elles sont dominantes : deux sur trois sont disposées à faire l'amour les yeux bandés (65%) ou en bandant les yeux de leur partenaire (65%), six sur dix à s'ébattre en étant dominée (59%) ou en dominant leur partenaire (62%), quatre sur dix à recevoir (39%) ou à donner (39%) une fessée...

 Qu'elles soient en position dominée ou en position dominante, les femmes disposées à pratiquer ce genre de jeux sexuels sont systématiquement plus jeunes, plus diplômées et plus éloignées de la religion que la moyenne des Françaises.

De même, qu'ils aient été réalisés ou qu'ils soient du domaine du souhaitable ou du réalisable, ces fantasmes sont toujours plus répandus chez les femmes en couple – notamment chez celles ne cohabitant pas encore avec leur partenaire –, chez les femmes affirmant une part d'homo ou de bisexualité et chez celles ayant une vie sexuelle plus intense et plus satisfaisante que la moyenne.

Mais il est aussi très intéressant de noter les effets de domination sociale sur les types de fantasmes féminins : alors que les jeux mettant en scène une domination masculine sont plus répandus chez les femmes des catégories populaires (employées, ouvrières), les scénarios où la femme domine ont plus les faveurs des catégories supérieures et ceci que ce soit en termes de pratiques ou de fantasmes.

Politiquement, les effets sont moins nets mais l'on observe que les jeux sexuels mettant en scène une domination de l'homme sont généralement plus répandus chez les sympathisantes de droite et d'extrême droite que dans les rangs des femmes de gauche qui, de par leur sensibilité féministe, peuvent s'avérer plus réticentes à l'égard de fantasmes de soumission de la femme.

 Depuis une demi-douzaine d'années, l'usage des sex toys s'est largement banalisé dans la gent féminine. Aujourd'hui, plus d'une femme sur trois (38%) admettent en avoir déjà utilisé, contre à peine 14% en 2009. Pour rappel, elles n'étaient que 7% en 2007 et environ 5% en 1992.

Cette évolution spectaculaire du nombre de femmes ayant déjà utilisé un objet pour obtenir une excitation sexuelle met en lumière l'intégration et la banalisation de ces accessoires dans la vie sexuelle quotidienne des Françaises même si, au quotidien, leur usage reste encore occasionnel : seules 7% des femmes déclarent en utiliser régulièrement.

Le fait que les femmes déclarent plus fréquemment l'usage de ce type de jouets sexuels met aussi en relief le changement de perception de cette pratique – largement associée à la masturbation – dans la gent féminine : il est aujourd'hui plus légitime et acceptable socialement de mentionner une pratique longtemps perçue par les femmes comme assez peu valorisante.

 En analysant plus finement les résultats, on observe que les femmes en ayant déjà utilisé sont souvent plus jeunes et plus émancipées à l'égard de la religion mais surtout qu'elles ont une activité sexuelle plus intense et une vie sentimentale plus satisfaisante que la moyenne

En effet, l'usage des sex toys est plus répandu chez les jeunes femmes (49% des femmes âgées de 25 à 34 ans en ont déjà utilisé), dans les catégories populaires (41%, contre 35% des cadres) et chez les athées (41%, contre 33% des catholiques pratiquantes) tout en étant plus fréquemment observées chez les sympathisantes de droite (45%) que chez les sympathisantes de gauche (36%).

Mais le plus intéressant à relever est que l'usage des sex toys ne s'inscrit pas forcément dans une logique de substitut à une vie sexuelle défaillante : ces utilisatrices ont une activité sexuelle plus intense et une vie sentimentale plus satisfaisante que la moyenne. Leur proportion est d'ailleurs aussi élevée chez les femmes en couple (38%) que chez les célibataires (36%).

 Il faut dire que pour une femme sur deux (50%), l'usage des sex toys s'organise et prend sens dans un cadre conjugal où il peut apparaître comme un moyen de pimenter la vie sexuelle du couple.

Cependant, cette manière de l'inscrire dans une consommation de couple doit être mis en perspective avec le tendance des femmes à sousdéclarer les pratiques masturbatoires en général et celles liées à l'usage des sex toys en particulier : la proportion de femmes les utilisant le plus souvent seules restant limitée même si elle a doublé entre 2007 (17%) et 2012 (34%).

En effet, il faut rappeler que les femmes ont généralement plus de difficultés à admettre une pratique solitaire qui met en relief la part individuelle et compulsive de leur sexualité – notamment leur besoin d'assouvir leurs pulsions sexuelles – sans s'inscrire dans le cadre « acceptable » d'une relation de couple impliquant une dimension conjugale ou affective.

De manière générale, les Françaises se montrent assez ouvertes aux différentes expériences susceptibles de mettre un peu de piment dans leur vie de couple

 Permettant d'entretenir les liens affectifs ou la libido au sein du couple, les échanges et expériences sexuelles liées aux nouvelles technologies sont de plus en plus intégrées au répertoire des pratiques et fantasmes de la gent féminine.

Ainsi, l'échange avec son partenaire de messages coquins par mail, sms ou messagerie instantanée est une pratique largement répandue (47%) tout en étant un fantasme partagé par près de deux femmes sur trois (63%). L'échange de photos « coquines » avec son partenaire est une pratique plus limitée (23%) mais qu'une forte proportion de femmes (40%) aimeraient essayer un jour.

Le visionnage de films X avec son partenaire est aussi assez répandu à la fois comme pratique (41%) et fantasme (56%). De même, la disposition des femmes à faire l'amour virtuellement via une webcam est de plus en plus forte (22%, contre 14% en 2009) même si elle reste une pratique encore limitée (8%, contre 6% en 2009), tout comme le fait de filmer ses ébats avec une caméra (10%).

 Pour rompre avec la relative banalité de la vie sexuelle quotidienne, les femmes semblent assez ouvertes à l'idée de s'ébattre dans des lieux insolites comme un lieu public mais s'avèrent beaucoup moins disposées à faire l'amour dans un lieu dédié au sexe.

En effet, plus d'une femme sur deux (51%) est tentée de faire l'amour dans un lieu public et un peu moins des deux tiers (63%) pourrait réaliser ce type de fantasme pour faire plaisir à son partenaire. Elles sont d'ailleurs déjà 39% à avoir déjà eu un rapport sexuel dans un lieu public (ascenseur, toilettes, parc...).

En revanche, l'idée de faire l'amour dans un lieu dédié impliquant des pratiques sexuelles « rares » (ex : boite fétichiste) ou des comportements extraconjugaux (ex : club échangiste, soirée libertine) suscite moins d'intérêt : à peine une femme sur dix (11%) serait tentée par un tel lieu (seules 4% en ont déjà eu un) et 19% y seraient disposées pour faire plaisir à leur partenaire.

Si la majeure partie des femmes souhaite réaliser ses fantasmes avec son compagnon actuel, une proportion non négligeable n'en reste pas moins excitée en s'imaginant faire l'amour avec un autre partenaire

 La plupart des femmes en couple (79%) n'envisage pas d'autre homme que son partenaire actuel pour réaliser ses fantasmes les plus torrides : seule une minorité de bis ou d'hétérosexuelles s'imagine les réaliser avec un inconnu (13%) ou un membre de leur entourage (8%).

Le profil des femmes imaginant réaliser leurs fantasmes hors du cadre conjugal (21% en moyenne) est néanmoins intéressant à observer.

Plus âgées, plus diplômées et plus aisées que la moyenne, ces femmes sont d'autant plus nombreuses qu'elles se situent à gauche de l'échiquier politique : leur proportion passe de 19% chez les sympathisantes du FN à 32% chez celles du Front de Gauche.

La disposition à assouvir ses pulsions en dehors du cadre conjugal est aussi plus élevée chez les femmes ayant eu beaucoup d'amants au cours de leur vie (33% chez celles en ayant eu au moins 10) mais surtout chez celles ayant une activité sexuelle insatisfaisante (49% chez celles insatisfaites sur ce plan) ou peu fréquente (46% chez celles ayant moins de deux rapports sexuels par mois).

 La proportion de femmes pouvant être excitées en s'imaginant avec un autre partenaire durant un acte sexuel n'en reste pas moins élevée : une sur trois verrait son désir attisé en s'imaginant faire l'amour avec un autre homme (35%) et une sur cinq (21%) en s'imaginant avec plusieurs hommes.

La bisexualité constitue aussi un fantasme féminin non négligeable : près d'une femme sur six (15%) peut être excitée à l'idée de coucher avec une autre femme. En revanche, imaginer son homme faire l'amour avec une autre femme ou avec un autre homme ne suscite le désir que d'une proportion marginale de la gent féminine (8% dans le premier cas, 5% dans le second).

En analysant plus finement les résultats, on note là aussi que les femmes potentiellement excitées à l'idée de faire l'amour avec un autre homme sont surreprésentées chez les femmes ayant une vie sexuelle moins intense, moins satisfaisante et moins stable que le reste des

Françaises : leur proportion montant par exemple à 50% chez les femmes insatisfaites à l'égard de leur vie sexuelle.

Une proportion importante de femmes se dit ouverte à la plupart des pratiques sexuelles réalisables au sein d'un couple mais rares sont celles qui sont prêtes à se soumettre à tous les désirs de leur compagnon

 La majorité des Françaises ne sont pas prêtes à tout en ce qui concerne les pratiques sexuelles réalisables au sein d'un couple : 60% d'entre elles déclarent qu'il y a certaines limites qu'elles ne souhaitent pas franchir en matière de sexualité.

Cependant, toutes ne souhaitent pas pour autant fixer des limites précises en matière de sexualité conjugale. Ainsi, près d'une femme sur six considère qu'aucune pratique sexuelle n'est vraiment taboue à ses yeux (16%) et une sur quatre (24%) se dit ouverte à la plupart des pratiques sexuelles réalisables au sein d'un couple à condition que cela reste exceptionnel.

Dans le détail des résultats, on remarque que les femmes ayant le moins de limites en matière de sexualité (16% en moyenne) sont surreprésentées dans les rangs des jeunes de moins de 25 ans (25%), chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (25%) et surtout au sein des femmes affirmant une part d'homo ou de bisexualité (46%).

 La disposition des femmes à se soumettre à tous les désirs de leur homme n'en reste pas moins limitée : moins d'une hétéro ou bisexuelle sur six (15%) déclare être prête à se soumettre à tous les désirs sexuels de son partenaire pour le garder.

Le profil des femmes les plus disposées à se soumettre aux désirs de leur partenaire est pour le moins difficile à cerner. Légèrement surreprésentées en milieu rural (17%) et chez les catholiques pratiquantes (18%), ces femmes s'avèrent d'autant plus nombreuses qu'elles se situent à droite de l'échiquier politique (passant de 14% chez les sympathisantes du Front de Gauche à 21% chez celles du FN).

Cependant, cette disposition à la soumission est aussi particulièrement forte chez les jeunes de moins de 25 ans (26%, contre 10% chez les personnes âgées de 65 ans et plus), chez les homo ou bisexuelles (28%), chez les femmes actuellement en couple (17%) et chez celles ayant une vie sexuelle plus intense et plus satisfaisante que le reste des Françaises.

La consommation de livres érotiques est largement répandue au sein d'une population féminine qui semble avoir un rapport plutôt décomplexé à ce type de lecture

 Au cours des 40 dernières années, la lecture de livres érotiques s'est largement banalisée dans la gent féminine : près de six femmes sur dix

(59%) admettent en avoir déjà lu au cours de leur vie, contre un peu plus d'une sur trois en 1970 (38%).

De même, plus des deux tiers (69%) déclarent avoir envie ou avoir déjà eu envie d'en lire au cours de leur vie. Ainsi, moins d'une femme sur trois (31%) s'avère fermée à ce type de de lecture, les plus jeunes (40% des moins de 25 ans) et les moins diplômées (36% des femmes ayant un diplôme inférieur au BAC) étant parmi les plus réticentes à l'égard de ce genre littéraire.

Il faut dire que la proportion de femmes ayant déjà lu un livre érotique croît beaucoup avec l'âge (41% des moins de 35 ans en ont déjà lu contre 70% des plus de 65 ans), le niveau d'éducation et le niveau social (48% des ouvrières contre 64% des cadres) tout en étant plus élevée en agglomération parisienne (62%) qu'en milieu rural (56%).

De manière plus générale, on observe que cette pratique tend à constituer – comme la pornographie chez les hommes – un substitut à une activité sexuelle défaillante : les lectrices de ce type d'ouvrages étant légèrement surreprésentées dans les rangs des femmes ayant une vie sexuelle moins intense ou moins satisfaisante que la moyenne.

 La majorité des lectrices ou potentielles lectrices de livres érotiques ont un rapport décomplexé à l'égard de ce type de lecture : 56% l'assumeraient vis-à-vis de leur entourage, contre 44% qui la cacheraient à leurs amis et à leurs proches.

Dans le détail des résultats, on note que certaines catégories de lectrices (ou de potentielles lectrices) s'avèrent plus complexées que la moyenne. C'est le cas des catholiques pratiquantes (51% d'entre elles dissimuleraient ce type de lecture à leur entourage), des CSP - (50%) mais aussi des femmes vivant en couple (47%) ou insatisfaites de leur vie sexuelle (49%).

A l'inverse, celles qui assument le plus ce type de lecture vis-à-vis de leur entourage sont surreprésentées dans les rangs des femmes affirmant une part d'homo ou de bisexualité (68%), chez les femmes se déclarant sans religion (63%) ou chez celles ayant eu beaucoup d'amants au cours de leur vie (67% chez celles en ayant eu au moins 10).

A noter que si la plupart des femmes restent mystérieuses sur les raisons de cette dissimulation à leur entourage – 90% d'entre elles déclarent que ça ne regarde qu'elles –, certaines admettent qu'elles font le silence sur cette pratique à cause du regard des autres : 8% craignent de passer pour une nymphomane, 1% pour une coincée et 1% pour une frustrée.

Le point de vue de l'Ifop

L'engouement du lectorat féminin pour un roman comme « Cinquante nuances de Grey » tend à brouiller les différences de consommation érotique observées entre les sexes qui cantonnaient jusque-là la pornographie aux hommes et les romans et magazines sentimentaux aux femmes. Car s'ils ont longtemps constitué l'équivalent féminin de la pornographie sans pour autant offrir un contenu sexuel explicite, les romans sentimentaux évoluent désormais en intégrant des pratiques sexuelles « rares » ou « transgressives » d'autant plus facilement qu'elles correspondent aux fantasmes ou pratiques en vogue dans la gent féminine. Certes, les jeux sexuels « SM » évoqués dans le livre restent des formes minoritaires de la sexualité féminine. Mais le désir des femmes d'expérimenter des scénarios nouveaux susceptibles de rompre avec la relative banalité de la vie sexuelle quotidienne en font une source de créativité et de diversification de plaisir conjugal. Ainsi, ces jeux participent au même titre que certains objets mécaniques ou outils technologiques au développement d'une vie érotique plus diversifiée. Si le « mommy porn » s'inscrit dans un mouvement plus global d'érotisation de la littérature contemporaine qui touche d'ailleurs d'autres types de production culturelle (médias, publicité,...), ce phénomène va donc de pair avec un élargissement du répertoire sexuel des Françaises.

François Kraus, directeur d'études au Département Opinion de l'Ifop

Cette ressource n'a pas encore été commentée.
Publicité en cours de chargement